La coalition, menée par l'Arabie saoudite et qui bombarde le Yémen, connaît l’emplacement des hôpitaux du pays. L'hôpital de MSF a été ciblé et les Etats-Unis, qui coordonnent ces frappes, sont donc responsables, assurent des experts à RT.
Des raids aériens opérés par la coalition menée par l’Arabie saoudite ont frappé lundi 15 août un hôpital des Médecins sans frontières (MSF) au Yémen, informe MSF. Au moins 11 personnes ont été tuées et 19 blessées.
Sara Flounders, représentante du Centre international d'action, partage sa vision avec RT.
L'Arabie saoudite n'aurait pas pu envoyer un seul avion sans assistance américaine – celle, directe, des fournisseurs américains et du Pentagone.
RT : Ce n’est pas la première frappe contre une installation civile. Est-il possible d'éviter les erreurs de calcul, de mieux choisir les cibles de raids aériens avec les équipements militaires modernes ?
Sara Flounders (S. F.): Ce n'est pas seulement possible, mais c'est absolument indispensable. Cela dépasse l'imagination, quatre frappes contre des hôpitaux différents, quatre fois des hôpitaux au Yémen, sans oublier également l'hôpital attaqué en Afghanistan. Alors même qu'ils envoient encore et encore des coordonnées GPS et ont des liens directs avec le commandement américain.
Mais qui est réellement en charge de l'intégralité de l'opération ? Qui assure le ravitallement des avions saoudiennes ? Qui présente les coordonnées GPS – ce sont les États-Unis. L'Arabie saoudite n'aurait pas pu envoyer un seul avion sans assistance américaine – celle, directe, des fournisseurs américains et du Pentagone. Ils ne peuvent ravitailler leurs avions sans aide américaine. Le blocus naval est réalisée par la marine américaine. Ils ont tracé les contours de chaque coin de la planète, et ont certainement tracé ceux du Yémen.
Imaginez ces frappes contre des hôpitaux, des écoles, des usines de transformation des aliments et des infrastructures de traitement de l'eau, la ressource la plus précieuse au Yémen. Ce qui est détruit, encore et encore, ce sont les infrastructures civiles. C’est une guerre calculée contre l'ensemble de la population, mais surtout contre les hôpitaux. Conformément à la loi internationale, il est absolument interdit de frapper les hôpitaux – peu importe la raison. Cela remonte à l'article 19 de la convention de Genève de 1949 et a été rénouvellé en 1977. Les Etats-Unis et le monde entier ont signé ces conventions de guerre. Or elles sont violées. L'hôpital c'est un endroit connu... Imaginer que c'est par accident qu'ils ont été frappés et pas qu’une seule fois... Nous savons qui en est responsable : ce sont les deux bombardiers saoudiens, mais ce sont aussi les États-Unis qui coordonnent les bombardements saoudiens.
Les relations entre les Etats-Unis et l'Arabie saoudite fonctionnent, parce qu'elles sont profitables
RT : Le département d’Etat américain a déjà exprimé sa préoccupation quant aux frappes de lundi, condamnant toute attaque contre les installations médicales. Mais ce sont eux qui fournissent des armes à l’Arabie saoudite. Comment fonctionnent leurs relations ?
S. F. : Elles fonctionnent, parce qu'elles sont profitables à, par exemple General Dynamics – un nouveau contrat militaire, des armes vendues à l’Arabie saoudite pour 1,5 milliards de dollars. Cela ne profite à personne à l'exception de General Dynamics. Les Etats-Unis sont le plus important vendeur d’armes du monde aujourd'hui, et c’est ainsi que les ventes d'armes fonctionnent. Malgré les préoccupations qu'ils expriment, ils savent exactement où ils frappent.
Mais de qui les Etats-Unis ont-ils peur au Yémen, de qui a peur l'Arabie saoudite ? Ils ont vraiment peur du mouvement Ansarullah, mouvement indépendant qui prône des changements démocratiques au Yémen et est une large force de coalition. C'est de cela que l'Arabie saoudite a le plus peur, étant une monarchie absolue oppressant une population qui n'a pratiquement aucun droits. Ils ont peur de tout mouvement qui soit indépendant et représente le peuple, dans n'importe quelle région. Ils sont contre le parlement au Yémen. On essaie même de tenir une nouvelle réunion, ce qui n'a pas été le cas depuis deux ans... ils voulaient reconstituer le parlement, mais l'Arabie saoudite s'y est opposée.
L'heure est venue pour une intervention de l'ONU, parce que cela commence de nouveau à échapper à tout contrôle
L'excuse de l'erreur fait partie du passé
Le journaliste Steve Topple est persuadé que l’hôpital de MSF au Yémen a été «ciblé intentionnellement».
«D'après les statistiques de MSF de l'année dernière, 63 de leurs hôpitaux ont été bombardés 94 fois. Pourtant MSF donne des coordonnées de ses installations aux deux parties. L'excuse de dire que c'était une erreur ne tient plus à mon avis,» a-t-il dit à RT.
Le chef de l’ONU a appelé à enquêter sur le raid aérien qui a tué dix enfants il y a quelques jours. RT a demandé à Steve Topple si la communauté internationale fait assez pour enquêter les cas pareils.
«Le problème est que nous avons déjà été dans cette situation», a-t-il répondu. «Le conflit s'est un peu calmé et puis nous avons vu cette escalade qui se développe depuis quelques semaines. Rien ne changera avant qu'une solution politique ne soit trouvée. Il faut que toutes les parties se mettent à la table des négociations. L'heure est venue pour une intervention de l'ONU, parce que cela commence de nouveau à échapper à tout contrôle.»
L'Arabie saoudite a été plusieurs fois été accusé de commettre des crimes de guerre ; pourtant le Royaume-Uni et les Etats-Unis continuent de vendre des armes à ce pays. D'après Steve Topple, cela s'explique par «les très gros sous» et que les décideurs ont des intérêts dans l’industrie de l’armement.
Les vies des enfants n'ont aucune importance
«Les Etats-Unis ont signé avec l'Arabie saoudite il y a quelques semaines le contrat de plus d'un milliard de dollar que le Sénat américain a proposé et envisage maintenant de bloquer. Par contre, le Royaume-Uni reste un complice absolu. Dès le début du conflit au Yémen, nous avons vendu à l’Arabie saoudite de l’armement pour la somme de trois milliards», a expliqué Steve Topple.
«Il faut voir qui est impliqué. Si on considère la Chambre des Lords du Royaume-Uni, l'équivalent les la chambre haute américaine, à peu près 20 % de ses pairs et législateurs ont des intérêts dans des entreprises d’armements. Quand vous considérez ceux de la sorte du Royal United Services Institute (RUSI), conseiller des gouvernements britannique et américain sur la politique de défense, ils sont parrainés par Lockheed Martin, Babcock, British Aerospace, Raytheon... La base, c’est que cela implique trop d'argent. Malheureusement, en conséquence, les vies des enfants n'ont aucune importance», a conclu le journaliste.
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