Dans le conflit syrien, les médias occidentaux stigmatisaient le gouvernement d’Assad, en présentant l’opposition comme une victime. Rien n'a changé avec l'arrivé de Trump qui a une vision limitée de la situation, estime le journaliste Martin Jay.
Une attaque terroriste contre les bus utilisés pour évacuer certains villages en Syrie a tué jusqu’à 80 enfants le 15 avril. Elle a en outre été largement condamnée par les organisations humanitaires. L’ONU a lancé un appel à renforcer la protection des enfants à travers le pays.
Cette explosion importante visait les civils qui se préparaient à quitter les zones contrôlées par les rebelles, dans le cadre d’un accord signé par le gouvernement et les forces d’opposition.
RT : Les médias occidentaux semblent avoir tendance à éviter de blâmer les rebelles dans des incidents tels que l’attaque du 15 avril. Mais quand il s’agit de Bachar el-Assad, ils essaient toujours d’en imputer la responsabilité au président syrien, même s’il n’y a pas de preuves. Pourquoi ?
Martin Jay (M. J.) : Les médias occidentaux, au cours des six dernières années, se sont vraiment permis de le faire et ils sont maintenant piégés dans leur propre caisse de résonance en ce qui concerne la couverture des événements en Syrie. Ils stigmatisaient le gouvernement de Bachar el-Assad, essentiellement comme une cause fondamentale du problème, et ils disaient que l’opposition était plus ou moins un victime du pouvoir, en disant que ses combattants, qu’ils soient extrémistes ou non, faisaient un travail plus ou moins noble. Et c’est ce que nous voyons ici, aujourd’hui. Une couverture tout à fait biaisée d'une histoire tragique et déchirante.
Et je crois que nous sommes pris dans cette caisse de résonance. Rien n’a vraiment changé. Si vous regardez les reportages des médias occidentaux sur le bombardement russe d'Alep, vous verrez à quel point ils étaient obsédés par le problème des victimes civiles. Mais ils n’étaient pas aussi concentrés dans leurs reportages sur les bombardements américains à Mossoul. Ce que nous observons est un bon exemple d’hypocrisie flagrante.
Donald Trump a une bande passante limitée, quant à ce qu’il considère comme des informations importantes
RT : Après une attaque chimique présumée qui aurait eu lieu le 4 avril près d'Idleb, il n’y a eu aucune enquête, ni preuve que le président syrien soit derrière. Donald Trump a pourtant pris des mesures unilatérales contre lui et lorsque 80 enfants sont tués dans un attentat suicide, il ne dit rien. Comment cela s’explique-t-il ?
M. J. : Il ne semble pas qu’il [le président américain] suive très attentivement les événements. Je ne crois pas que son équipe le tienne au courant de la situation. Sa vision du Moyen-Orient, notamment de la Syrie, est très sélective. On peut s'inquiéter de la façon dont, dans ses entretiens avec des journalistes américains, il confonde nonchalamment la Syrie et l’Irak. Je ne pense pas qu’il ait une image globale, ni qu’il veuille une image complète.
Il a une bande passante très limitée, quant à ce qu’il considère comme des informations importantes, et cela n’a pas été repéré sur son écran radar. Il y a eu une déclaration de la part Washington, mais c’est une référence tellement superficielle, qu’elle peut à peine être qualifiée de point de vue sérieux des Etats-Unis.
Chaque expert en géopolitique ou journaliste dans cette partie du monde sait parfaitement qu’Al-Nosra et d’autres groupes extrémistes sont financés indirectement par l’Occident
RT : Peut-on s’attendre à ce que les ambassadeurs occidentaux apportent des photos d’enfants tués dans l’attaque du 15 avril devant le Conseil de sécurité de l’ONU, comme Nikki Haley l’avait fait après cette attaque chimique présumée ?
M. J. : Je ne peux pas l’imaginer. Toute une série de questions délicates et difficiles doivent être posées par les journalistes, à la Maison Blanche, au Pentagone et à l’équipe du président américain – du style, quelle est exactement la relation entre l’administration Trump et les groupes d’opposition qui sont responsables de ces massacres, comme Al-Nosra ou d’autres, encore présents dans la région.
C’est ce que les journalistes ne demandent pas, et Donald Trump ne peut pas y répondre. Chaque expert en géopolitique ou journaliste dans cette partie du monde sait parfaitement qu’Al-Nosra et d’autres groupes extrémistes sont financés indirectement par l’Occident, via le Qatar et l’Arabie saoudite. Ce n’est pas nouveau, ce ne sont pas des nouvelles de première main. S'agissant des photos, je ne pense pas que quiconque les présente au Conseil des Nations unies.
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