En dépit des apparences que ses dirigeants ont tenté de donner, le G7 s'est révélé plus faible que jamais, victime de ses propres mesures contre la Russie qu'il ne parvient pas à isoler et désarmé face à l'émergence des BRICS.
La séquence au G7 en Bavière a fait le tour du monde : Emmanuel Macron accourt vers Joe Biden en pleine conversation avec son conseiller Jake Sullivan, l'interpelle face aux caméras pour lui rapporter que les Emirats arabes unis étaient dans l'incapacité d'augmenter leur production de pétrole. «C'est ce qu'ils prétendent», ajoute-t-il d'un air entendu, avant de s'épancher sur les discussions envisagées avec l'Inde pour l'empêcher de profiter de l'aubaine d'un pétrole russe à bas coût.
Le conseiller américain coupe finalement court à cet acte théâtral, de diplomatie spectacle d'un manque de finesse rare – presque vulgaire – que le chef d'Etat français imaginait peut-être comme un moyen de montrer qu'il compte sur la scène internationale. La veille, c'est le Premier ministre britannique Boris Johnson qui avait le rôle principal dans une pièce où il donnait la réplique à Ursula von der Leyen et Justin Trudeau, se demandant s'il fallait se déshabiller et montrer ses pectoraux pour montrer «qu'on est plus dur que Poutine».
Ces mauvaises mises en scène, dont le but était de projeter aussi bien une impression de contrôle que de puissance, ne dupent pourtant plus grand monde en dehors d'une presse occidentale dont l'esprit critique n'est plus qu'un lointain souvenir. Elles ne sauraient masquer l'échec cuisant de la tentative d'isolement de la Russie qui se traduit par un effondrement de leurs propres économies, mais aussi la faiblesse de leurs options dans la poursuite de cette stratégie.
Car dans cette optique, le G7 a sorti de son chapeau une idée tout a fait improbable : plafonner les prix du pétrole russe au niveau mondial pour limiter les revenus que Moscou tire de ses vastes ressources énergétiques, en imposant, par exemple, un prix d'achat maximum à 60 dollars le baril. Le problème évident de cette brillante initiative est qu'elle nécessite la participation de tous les importateurs de pétrole au niveau mondial ; un accord au seul niveau du G7, qui s'est déjà imposé des restrictions sur l'achat des hydrocarbures russes, ne servirait à rien. A en croire Jake Sullivan, les Etats-Unis ont déjà ouvert les discussions sur le sujet avec l'Inde, qui achète le pétrole russe à un prix réduit depuis le début du conflit en Ukraine et en a multiplié son approvisionnement par 50 (de 0,2% de ses importations à 10%).
Comment convaincre New Delhi de ne pas acheter du pétrole russe au delà d'un certain prix, et donc de potentiellement cesser de s'approvisionner si la Russie n'entend pas brader ses ressources ? «Ce n'est pas quelque chose que nous pouvons sortir de nos tiroirs comme si c'était une méthode déjà testée et approuvée... c'est un concept nouveau», a commenté Jake Sullivan, reconnaissant implicitement l'impasse dans laquelle se trouve Washington. Et quand bien même cela marcherait, que feraient les pays du G7 si Moscou décidait de répliquer en coupant totalement l'approvisionnement énergétique dont ils dépendent encore ?
Les BRICS changent la donne
Les chances d'aboutir de ce projet aux contours encore très flous paraissent d'autant plus illusoires que celui-ci vient se heurter à une réalité que le G7, aveuglé par son hubris, refuse toujours de voir : l'émergence des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) et de son modèle de plus en plus attractif, en témoignent les récents actes de candidature de l'Argentine et de l'Iran.
«Cette association se repose de moins en moins sur le style occidental pour faire des affaires, ainsi que sur les règles occidentales pour les institutions monétaires, financières et commerciales internationales», expliquait encore le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov le 23 juin, soulignant que les BRICS préféraient «des méthodes plus équitables qui ne font dépendre d'aucun processus dans lequel le dollar ou une autre monnaie à un rôle dominant». Pendant que Washington et ses vassaux au sein du G7 s'entêtent à vouloir contraindre le monde à jouer selon leurs règles, le jeu a déjà changé.
Le G7 est comparable aujourd'hui à un joueur de poker à la main faible, qui s'obstine dans un bluff auquel plus personne ne croit
A la mentalité de guerre froide, l'exploitation des pays en développement, la volonté de contenir la Chine, la Russie et un ordre international qui consacre les intérêts des Etats-Unis que promeut le G7, les BRICS opposent un multilatéralisme de facto qui se concentre sur le développement mondial, la coopération économique et une gouvernance mondiale qui respecte les intérêts de chacun. Il n'est dès lors pas surprenant de comprendre pourquoi la stratégie d'isolement de la Russie ne fonctionne pas et finira par se retourner contre les Occidentaux aussi bien politiquement qu'elle ne l'a déjà fait économiquement.
Les rapports de force ne sont plus les mêmes, le G7 est comparable aujourd'hui à un joueur de poker à la main faible, qui s'obstine dans un bluff auquel plus personne ne croit. Le G20 à venir en Indonésie sera à ce titre lourd d'enseignements. Dans une déclaration pour le moins cavalière – marque de fabrique de ce G7 serait-on tenté de croire –, le Premier ministre italien Mario Draghi a affirmé que le chef d'Etat indonésien avait exclu la présence du président russe Vladimir Poutine. «Il a été catégorique, il ne viendra pas», a-t-il lancé, estimant qu'il lui revenait de parler pour son homologue, invité en Bavière.
Moscou a rapidement fait remarquer que ce n'était pas à Mario Draghi de décider ce genre de chose et fait savoir que le président russe avait reçu une invitation et y avait répondu positivement. L'avenir dira si le G7 parviendra à faire céder Jakarta. Ce qui ne serait de toute façon qu'une victoire à la Pyrrhus pour ce monde en voie de disparition.
Frédéric Aigouy
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