Favorable à la suppression de l’ISF, la droite sénatoriale tente de détricoter l’IFI, son successeur
Farouchement opposés à la création de l’impôt sur la fortune immobilière qui a remplacé celui sur la fortune, avec un rendement fiscal très inférieur, les sénateurs de droite l’ont amendé, avec le soutien paradoxal des sénateurs PS.
Le Sénat contrôlé par l'opposition de droite a voté le 23 novembre, une série de mesures modifiant la portée de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI), instauré en 2018 pour remplacer l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) instauré en 1989. Parmi ces mesures votées lors de l'examen du projet de budget 2020, figure l'indexation de l’assujettissement et du barème de l'IFI à l'indice des prix hors tabac, donc de l'inflation, qui serait «accompagné en contrepartie d'une décote». Une indexation qui ne serait que «justice» selon le rapporteur LR Albéric de Montgolfier.
Le sénateur LR, pour qui l'IFI est un «mauvais impôt dans sa forme actuelle», a également soumis à ses collègues une réduction de l'assiette de l'IFI pour les non-résidents fiscaux. Le gouvernement avait émis un avis défavorable à ces amendements, le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin jugeant que Albéric de Montgolfier voulait «supprimer l'IFI ou réduire son assiette».
Les sénateurs se sont également penchés sur la possibilité de réduction de l'IFI au titre des dons. Ils en ont relevé le plafond à 75 000 euros au lieu de 50 000 précédemment. Mais ils ont également modifié les mécanismes de calcul de plafonnement de l'IFI, afin de permettre aux contribuables plafonnés de pouvoir bénéficier de réduction d'impôt au titre des dons.
La droite vote un amendement PS
Les sénateurs de droite qui étaient partisans de la suppression pure et simple de l’ISF ont trouvé un allié inattendu dans leur combat parlementaire contre son successeur, l’IFI. Ils ont ainsi adopté un amendement du socialiste Vincent Eblé, président de la Commission des Finances en soutien au patrimoine. La mesure exonère de 75% de l'IFI les propriétaires de monuments historiques situés dans les zones rurales et dans les Outre-mer, et a été soutenue par ses collègues, contre l'avis du secrétaire d'Etat Olivier Dussopt, pour qui cette exonération crée «une nouvelle niche [fiscale]».
Il est vrai que malgré leur opposition frontale sur l’ISF, les sénateurs de droite et du PS sont tombés d’accord pour mener leur propre évaluation des effets de la réforme fiscale de fin 2017, en complément de la mission d’évaluation conduite par France Stratégies qui dépend des services du Premier ministre. Ils ont déjà rendu deux rapports, dont le plus récent date du 9 octobre et selon lequel la création de l'Impôt sur la fortune immobilière (IFI) en remplacement de l'ISF a engendré des «effets indésirables» sans montrer d'impact positif à ce stade sur l'économie.
Il devait aussi vérifier si le remplacement de l’ISF par l’IFI avait permis de réduire l’exil fiscal qu’il était réputé provoquer et en avait corrigé une certaine «inéquité», en raison de mesures permettant aux plus élevées parmi les plus grandes fortunes de réduire le montant de leur impôt.
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Mais selon le document piloté par la commission des Finances du Sénat, l'IFI n'a pas réussi à combler ces lacunes, même s'il «semblerait qu'il ait eu un impact positif sur le nombre de départs» à l'étranger de contribuables, selon Albéric de Montgolfier. Pour Vincent Eblé président (PS) de la commission des Finances, «il n'a pas permis de remédier à l'inéquité de l'ISF», en permettant aux plus importants patrimoines financiers de ne pas être assujettis à l'IFI.
On a toujours le syndrome du petit retraité propriétaire sur l'île de Ré
18% des plus hauts patrimoines (ceux supérieurs à 10 millions d'euros) sont ainsi exonérés de l'IFI, alors qu'à l'inverse, 20% des redevables de l'IFI ont un revenu inférieur à 60 000 euros, détaille le rapport. «On a toujours le syndrome du petit retraité propriétaire sur l'île de Ré», a regretté Vincent Eblé. Une allusion à la multiplication par 20 des prix du foncier sur l’ile charentaise depuis 1980 qui fait que des personnes ayant investi dans des biens immobiliers alors modestes sont aujourd’hui touchés par l’IFI.
Déjà, en novembre 2017, un précédent rapport du Sénat estimait que recentrer l'ISF sur l'immobilier était «incohérent» parce que «l'immobilier représente en France environ 18% de la valeur ajoutée de l'économie française et 8% de l'emploi total ». Le rapport avançait aussi que l’IFI favorisait «paradoxalement, une stratégie "anti-économique" consistant à vendre un appartement […] pour laisser le produit de la vente sur son compte courant [ce qui permet] de réduire le montant dû au titre de l'IFI».
En 2017, l'ISF avait rapporté près de 5 milliards d'euros à l'Etat, contre 1,5 milliard pour l'IFI en 2018.
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