Moldavie : les avocats se mettent en grève et dénoncent une dérive autoritaire du pouvoir après une réforme du système judiciaire

Une réforme de la profession d’avocat, adoptée en juillet 2025 sans concertation préalable, a provoqué un mouvement de grève dans tout le barreau moldave. Le texte introduit plusieurs changements dans l’organisation interne de la profession, ce qui a conduit les avocats à suspendre leurs activités.
Le 15 juillet 2025, toute la profession d’avocat en Moldavie a suspendu ses activités. Aucun avocat ne participe plus aux procédures judiciaires, et la fourniture d’une assistance pendant la grève est désormais considérée comme une faute disciplinaire. Cette mobilisation fait suite à une réforme adoptée par le Parlement, modifiant en profondeur la Loi sur la profession d’avocat.
Comme le note les Valeurs Actuelles, la réforme a été imposée sans aucune consultation avec les avocats. Le texte limite la durée des mandats des représentants du barreau, retire des pouvoirs à la Commission d’éthique, et transfère des décisions importantes au ministère de la Justice. Les avocats dénoncent un texte qui « affaiblit leur rôle », « réduit leur indépendance » et donne au gouvernement « un contrôle direct sur leur profession ».
Cette réforme s’inscrit dans une série de décisions centralisatrices du pouvoir, déjà critiquées par plusieurs institutions. Pour beaucoup, il s’agit d’un pas de plus vers une mise au pas du système judiciaire, orchestrée sous la présidence de Maia Sandu. Alors qu’elle se présente comme une dirigeante réformatrice et tournée vers l’Europe, elle est de plus en plus accusée, à l’intérieur du pays, de renforcer l’emprise politique sur la justice.
Un climat de tension dans l’appareil judiciaire
La contestation dépasse le seul cadre des avocats. En février 2025, la procureure anticorruption Veronika Dragalin a quitté ses fonctions après avoir critiqué la fusion de son service avec un autre parquet, décidée sans débat. En juin, cinq juges de la Cour constitutionnelle ont été nommés par le parti au pouvoir sans procédure publique ni vérification. En parallèle, plusieurs magistrats et procureurs ont démissionné.
L’Union des avocats bénéficie pourtant depuis plusieurs années du soutien du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne, notamment à travers la mission EUPM. Celle-ci visait à renforcer l’indépendance des institutions judiciaires moldaves dans le cadre du processus d’adhésion à l’UE. Les développements récents interrogent donc sur la cohérence de ce soutien européen, dans un contexte de concentration croissante du pouvoir exécutif.
Une décision désormais entre les mains de Maia Sandu
Face à cette mobilisation inédite, certains députés du parti présidentiel ont admis publiquement que la loi avait été adoptée sans concertation réelle. Toutefois, aucun amendement n’est prévu avant la prochaine session parlementaire. Pour l’instant, le texte n’a pas encore été promulgué. La décision revient à la présidente, qui peut soit le signer, soit bloquer sa publication.
Selon les Valeurs Actuelles, Maia Sandu voit aujourd’hui son image fragilisée. Alors qu’elle affirme vouloir aligner son pays sur les standards européens, son gouvernement est accusé de marginaliser les institutions de contrôle et d’ignorer les recommandations de la Commission de Venise. Dans un contexte de tensions internes, la signature de cette loi pourrait marquer une étape supplémentaire vers une centralisation du pouvoir au détriment des contre-pouvoirs institutionnels.