Trois ans de silence entre Paris et Moscou. Et voilà que les lignes reprennent vie. Nucléaire iranien ou percée russe en Ukraine : qu’est-ce qui a poussé Emmanuel Macron à composer, enfin, le numéro du Kremlin ? Décryptage signé Jacques Frantz.
Les événements vont décidément très vite. Il est loin le temps où Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, affirmait que si Lavrov l’appelait au téléphone, il ne prendrait pas l’appel. Loin est aussi le temps où, à Bürgenstock, on parlait de paix en Ukraine sans la Russie.
Ce mercredi 1er juillet, ils se sont parlés. Le président Macron – probablement en faisant le ménage dans ses vieux papiers – a retrouvé le numéro de téléphone de Vladimir Poutine et l’a appelé. Même si peu d’informations ont filtré de cet entretien, les enseignements à en tirer sont nombreux.
Deux sujets ont été abordés : l’Ukraine et l’Iran. Les chancelleries vont donc devoir se rendre à l’évidence : la Russie est, et n’a jamais cessé d’être, un acteur incontournable sur la scène internationale. Ça fait mal quand on pense que les Occidentaux, et en particulier la France, avaient mis l’économie russe à genoux et infligé à cette dernière une cuisante défaite stratégique.
Néanmoins, retenons comme positif que l’Élysée a ravalé un peu de son orgueil en rétablissant le dialogue. Faisons également bon accueil au fait que Vladimir Poutine ne tienne pas trop rigueur des coups de menton et des tentatives d’humiliation à son encontre, tant de la part des officiels français que des médias.
Même si les positions sur le dossier ukrainien semblent pour l’heure inconciliables, il existe entre Paris et Moscou des points de convergence. Les deux États concordent sur le fait que Téhéran ne saurait disposer de l’arme nucléaire. Or, dans ce dossier comme dans beaucoup d’autres, la diplomatie de Moscou, qu’on le veuille ou non, est incontournable. En effet, Moscou a des intérêts dans la région, entretient des relations particulières avec l’Iran et est très engagée dans le développement de projets nucléaires civils dans ce pays.
Il est intéressant de constater, d’une part, que l’Europe et la France ont, depuis plusieurs années, littéralement cessé d’exister sur la scène internationale et que, d’autre part, cette sortie de l’ombre passe obligatoirement par Moscou.
Magnanime, Poutine ? Disons : pragmatique. Alors que, sur le terrain de l’opération militaire spéciale, la Russie progresse et que le désengagement progressif, s’il se confirme, des États-Unis rend inéluctable une victoire russe tant sur le terrain qu’à la table des négociations, il est bon que l’Europe ne soit pas en dehors du jeu.
Tôt ou tard, les pays européens devront prendre part aux négociations. Car, en cas de désengagement des États-Unis, ils ne pourront pas soutenir Zelensky bien longtemps. Restera alors l’épineuse question des sanctions. Comme l’a indiqué à plusieurs reprises le président Poutine, la paix passe obligatoirement par la levée de ces dernières. Or, si les Occidentaux savent comment infliger des sanctions, les procédures et les modalités de sortie de ces sanctions restent à inventer. D’où l’intérêt de la Russie à permettre le retour des Européens dans le jeu diplomatique. Aux échecs, cela s’appelle avoir un coup d’avance.
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