Au Sahara occidental, les hostilités reprennent entre le Front Polisario et le Maroc
- Avec AFP
Les indépendantistes du Front Polisario ont annoncé la fin d'un cessez-le-feu vieux de près de 30 ans au Sahara occidental, après le lancement par le Maroc d'une opération militaire dans une zone tampon de ce territoire disputé.
Le mouvement politique indépendantiste armé Front Polisario a annoncé le 13 novembre 2020 reprendre son combat contre les autorités marocaines, qu’il accuse d’occuper le Sahara occidental depuis le départ de l’Espagne au milieu des années 1970.
Le Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a dit «regretter» que ses efforts des derniers jours pour «éviter une escalade» aient échoué. La Mauritanie et l'Algérie, pays voisins impliqués dans des négociations politiques au point mort depuis 2019, ont appelé à la retenue.
Avant l'aube, les troupes marocaines ont lancé une opération dans la zone tampon de Guerguerat, à l'extrême sud de l'ex-colonie espagnole, pour mettre en place «un cordon de sécurité en vue de sécuriser le flux des biens et des personnes», selon un communiqué de l'état-major. L'opération, qui s'est déroulée «sous les yeux de la Minurso», la force d'interposition de l’ONU, a donné lieu le matin à des échanges de tirs, mais sans «dégâts humains», d'après la même source.
Pour le Maroc, «trouver un règlement définitif» aux «provocations» du Front Polisario
«La guerre a commencé. Le Maroc a liquidé le cessez-le-feu» qui était en vigueur depuis 1991, a accusé le chef de la diplomatie du mouvement sahraoui du Polisario, Mohamed Salem Ould Salek, joint par l’AFP. En soirée, le ministère marocain des Affaires étrangères a quant à lui affirmé dans un communiqué que «le Maroc reste fermement attaché au cessez-le-feu».
L'opération n'est pas «offensive», mais reflète «la fermeté et la détermination du roi Mohamed VI pour trouver un règlement définitif» face aux «provocations» du Front Polisario, a affirmé plus tôt à l'AFP le chef de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita. Ces derniers jours, le roi a échangé des messages avec l'ONU, la France, les Etats-Unis, la Mauritanie et d'autres pays impliqués dans le dossier pour les prévenir de l'opération destinée à «mettre un terme à la situation de blocage» à Guerguerat, a-t-il affirmé.
Rabat accuse «le Polisario et ses milices» de mener depuis trois semaines «des actes de banditisme», de bloquer la circulation et de «harceler continuellement les observateurs militaires de la Minurso» au niveau de Guerguerat. Un groupe de routiers marocains avait lancé la semaine dernière un appel au secours auprès des autorités du Maroc et de la Mauritanie, affirmant être bloqué au poste-frontière par des «milices affiliées à des séparatistes». Il y avait 108 routiers bloqués côté mauritanien et 78 de l'autre côté de la frontière, avec des véhicules de différentes origines (Maroc, Mauritanie, France) selon une source diplomatique marocaine.
De nombreux appels à la retenue
Le Front Polisario a dénoncé l'existence de la route de Guerguerat – que Rabat considère comme essentielle pour ses échanges avec l'Afrique subsaharienne – et a condamné «l’agression» du Maroc. «Les troupes sahraouies se retrouvent en situation de légitime défense et répliquent aux troupes marocaines», a déclaré Mohamed Salem Ould Salek.
Le 9 novembre, le Front Polisario avait menacé de mettre fin à l'accord de cessez-le-feu si le Maroc introduisait des troupes ou des civils dans la zone tampon de Guerguerat. Cette région a déjà été au centre de vives tensions entre le Front Polisario, soutenu par l’Algérie, et le Maroc qui se disputent depuis des décennies le territoire désertique, malgré les efforts de règlement pacifique mené par l'ONU.
A Nouakchott, la capitale mauritanienne, le ministère des Affaires étrangères a appelé «à la retenue» et invité «tous les protagonistes à œuvrer dans le sens de la préservation du cessez-le-feu». Dès le 11 novembre, l'armée mauritanienne avait renforcé ses positions à sa frontière avec le Sahara occidental. L'Algérie a elle aussi exhorté les deux camps à faire preuve «de retenue», appelant à l'arrêt immédiat des opérations militaires.
La France a quant à elle appelé le 13 novembre au soir à «tout faire pour éviter l'escalade et à revenir au plus vite à une solution politique», d'après l'AFP. Paris préconise «la nomination dans les meilleurs délais d’un nouvel envoyé personnel du Secrétaire général des Nations unies».
La direction du Front Polisario a demandé au Secrétaire général de l'ONU de saisir le Conseil de sécurité afin de faire cesser «l'agression marocaine contre des Sahraouis qui manifestaient pacifiquement à Guerguerat», selon une lettre de l'ambassadeur sahraoui en Algérie, Abdelkader Taleb Omar. D'après des diplomates onusiens à New York, des échanges sont en cours pour une éventuelle réunion informelle du Conseil de sécurité, mais pas avant la semaine prochaine.
Le Maroc contrôle 80% de l'ancienne colonie espagnole, ses gisements de phosphate et ses eaux poissonneuses dans sa partie ouest, le long de l'océan Atlantique. Le royaume veut une «autonomie sous contrôle» du territoire, où de grands chantiers de développement ont été lancés par les autorités ces dernières années. Le Front Polisario, qui a proclamé une République sahraouie (RASD) en 1976, milite pour l'indépendance et réclame un référendum d'autodétermination.