Trump promet de faire la paix en 24 heures, mais souffle le chaud, le froid et l’absurde. Jacques Frantz démonte les illusions d’un président qui prétend éteindre l’incendie ukrainien sans lâcher l’allumette.
Sur l’Ukraine comme sur bon nombre de sujets, il est très difficile de suivre le président des États-Unis en poste depuis bientôt six mois. Que ce soit les droits de douanes, Israël, l’Iran, souvent Trump varie, ce qui accrédite la thèse de certains qui depuis longtemps mettent en question la santé mentale du 47e président des États-Unis.
Pour ma part, je me refuse à tomber dans cette facilité car on ne se fait pas élire, puis réélire à la présidence de la première puissance mondiale dans un tel contexte d’adversité sans avoir un mental hors du commun.
Cependant, il faut en convenir, sur l’Ukraine comme sur bien des sujets, il y a de quoi y perdre son latin.
Décryptons.
En campagne, Trump a dit deux choses :
1. Que lui à la présidence entre 2020 et 2024, jamais le conflit n’aurait eu lieu ;
2. Qu’il mettrait fin au conflit en Ukraine en 24 heures.
On se souvient du site de RT en anglais qui, le jour de l’investiture de Trump affichait un compte à rebours de 24 heures.
Il est raisonnable de croire que Trump n’aurait jamais toléré la dérive aventuriste occidentale en Ukraine. Et même si le « si » est à bannir de toute analyse historique, Trump aurait certainement trouvé un terrain d’entente avec l’autorité russe pour ne pas en arriver aux extrémités que l’on a connues. Néanmoins, il convient de pondérer. Donald Trump a un vrai passif. Car s’il n’était pas en fonction au moment du coup d’État de Maïdan en 2014, les États-Unis ont armé l’Ukraine au cours de son mandat.
Il n’en reste pas moins que dans ce dossier comme dans d’autres, le président doit composer avec la réalité de ce qu’il est communément convenu d’appeler l’État profond. Chaque administration présidentielle qui passe doit composer avec le passé et parfois le passif de l’administration précédente, et avec les fonctionnaires qui eux ne passent pas et qui font aussi partie du paradigme politique. Autrement dit, il faut que le public s’enlève de l’esprit l’idée d’un président hyper puissant qui pourrait en un claquement de doigt infléchir, voire inverser une politique.
Il y a tout lieu de croire Trump sincère dans sa volonté personnelle de désengager au maximum les États-Unis des théâtres d’opérations extérieures. Et l’Ukraine ne fait pas exception. Seulement voilà, de la même manière qu’il est difficile d’arrêter un train lancé à toute vapeur, il n’est certainement pas simple d’opérer un virage à 180 degrés en Ukraine. Il est indéniable que Trump subit d’énormes pressions pour poursuivre l’aide à Kiev. Mais il y a une chose sur laquelle Trump s’est trompé : s’il est possible de contraindre les autorités de Kiev, il est illusoire de penser pouvoir contraindre Poutine.
Du reste, Trump n’a pas manqué de le signifier à Zelensky lors de sa fameuse rencontre à la Maison Blanche devant les caméras. Sans Washington, et dans une moindre mesure sans les Européens, l’Ukraine ne peut pas se battre. Poutine, en revanche, n’a besoin de personne ou presque. Et ses alliés sont bien plus fiables. Donc croire possible d’obliger Zelensky et Poutine à s’entendre est illusoire. Trump a pensé ou a feint de penser qu’en modulant l’aide à l’Ukraine il pourrait infléchir les exigences des deux parties jusqu’à un compromis. Mais la Russie n’est pas décidée à abandonner le moindre de ses objectifs. L’opinion publique ne le supporterait pas et, de toute façon, ce n’est pas à l’ordre du jour.
Quant à Trump, il n’aura guère le choix que d’arrêter un processus lancé avant lui, ce qui est compliqué. Reste que la situation risque bien de dicter sa loi. La logistique américaine et plus généralement occidentale a beaucoup de mal à suivre. D’ailleurs, le manque de sérénité affiché par Trump à l’idée que les BRICS pourraient prendre leur indépendance économique et financière atteste de la fragilité de la situation. Privée de la planche à billets, l’Amérique pourrait bien perdre de sa superbe, y compris sur le plan militaire. Il faudra par conséquent tôt ou tard se rendre à l’évidence. Plus cela prendra de temps, plus les conséquences pour l’État ukrainien seront funestes. Pour l’instant, il faut être patient.
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