L'armée éthiopienne s'empare de la capitale du Tigré
- Avec AFP
Trois semaines après le début de l'offensive militaire, le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a annoncé le 28 novembre 2020 que son armée avait pris le contrôle de la capitale de la région dissidente du Tigré (Nord).
Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a annoncé le 28 novembre que son armée avait pris le «contrôle» de Mekele, la capitale du Tigré (Nord). Une étape décisive de l'opération militaire entamée le 4 novembre dans cette région dissidente.
Les autorités tigréennes issues du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), que combat le gouvernement central, seraient retranchées dans cette ville qui comptait 500 000 habitants avant le début du conflit.
«Le gouvernement fédéral a maintenant pris le contrôle total de la ville de Mekele», a déclaré Abiy Ahmed dans un communiqué posté sur Twitter. Il y réaffirme que la prise de Mekele marque l'accomplissement de la «phase finale» de l'opération militaire démarrée le 4 novembre. Le Premier ministre a ajouté que son armée «mène l'opération avec la précision et le soin nécessaires […] pour s'assurer que les civils ne sont pas ciblés» et qu'elle a pris le contrôle de l'administration régionale.
I am pleased to share that we have completed and ceased the military operations in the #Tigray region.
— Abiy Ahmed Ali 🇪🇹 (@AbiyAhmedAli) November 28, 2020
Our focus now will be on rebuilding the region and providing humanitarian assistance while Federal Police apprehend the TPLF clique. #EthiopiaPrevailshttps://t.co/WrM2BAPCD6
Le chef de l'armée, Berhanu Jula, a de son côté affirmé dans un message diffusé à la télévision officielle éthiopienne EBC que l'armée «chasse les membres du TPLF qui se cachent». Il précise que plus de 7 000 membres du Commandement Nord de l'armée fédérale ont été libérés. Contactés par l'AFP, les dirigeants du TPLF n'étaient pas joignables dans l'immédiat.
Des tirs à l'arme lourde sur la capitale
La vérification sur le terrain des affirmations de l'un et l'autre camps demeure très difficile, précise l'AFP, le Tigré étant quasiment coupé du monde depuis le début du conflit. Le 28 novembre au matin, les autorités tigréennes affirmaient via la télévision locale Tigray TV que des «tirs à l'arme lourde» touchaient Mekele, une information que deux responsables humanitaires ayant des équipes dans cette ville ont confirmé à l'agence de presse.
Le gouvernement tigréen y appelait la communauté internationale «à condamner les attaques d'artillerie et d'avions militaires [ainsi que] les massacres» commis sur «les civils et les infrastructures» par Abiy Ahmed et Issaias Afeworki, le président érythréen qu'il accuse d'épauler Addis Abeba dans le conflit.
«Les prochains enjeux clés sont de savoir quelles intentions et quelles capacités les forces tigréennes ont à continuer la résistance armée», a déclaré à l'AFP William Davison de l'International Crisis Group (ICG), après l'annonce du contrôle de Mekele.
Il s'interroge également sur la façon dont les Tigréens vont «réagir face au gouvernement provisoire qui va être installé» par Addis Abeba. Aucun bilan précis du conflit n'est jusqu'ici disponible, mais l'ICG a estimé vendredi que «plusieurs milliers de personnes sont mortes dans les combats». Dans leur communiqué, les dirigeants tigréens ont promis «une réponse proportionnée» aux «massacres» commis selon eux par l'armée sur «les civils et les infrastructures.»
Le 27 novembre, au moins une roquette tirée depuis le Tigré a ciblé la capitale de l'Erythrée, Asmara, selon des sources diplomatiques. D'éventuels victimes ou dégâts ne sont toujours pas connus. Le TPLF, qui avait visé Asmara il y a 10 jours avec des armes similaires, n'a pas revendiqué ce tir. Ni l'Ethiopie, ni l'Erythrée n'ont réagi à ce sujet.
Le pape appelle à prier pour la paix dans la région
Inquiète d'une propagation du conflit à l'échelle régionale, la communauté internationale a également alerté sur de possibles «crimes de guerre» en Ethiopie et tenté de faire pression sur Abiy Ahmed pour qu'il accepte une médiation.
L'Union africaine (UA), dont le siège est à Addis Abeba, a nommé en ce sens trois envoyés spéciaux, les anciens présidents mozambicain Joaquim Chissano, libérien Ellen Johnson-Sirleaf et sud-africain Kgalema Motlanthe.
Après les avoir rencontrés vendredi, Abiy Ahmed a exprimé sa «gratitude», mais a rappelé que son gouvernement avait «la responsabilité constitutionnelle de maintenir l'ordre [au Tigré] et à travers le pays».
Dans un communiqué publié samedi, l'UA s'est de son côté félicitée que le Premier ministre ait évoqué lors de cet entretien l'établissement d'un comité fédéral pour «répondre aux besoins humanitaires essentiels», ainsi que d'un corridor humanitaire, sans donner de précision.
Le pape François a appelé samedi sur Twitter à prier pour l'Ethiopie où les combats armés se sont intensifiés» et débouchent sur une «situation humanitaire grave». Plus de 43 000 Ethiopiens ont fui au Soudan voisin, selon le HCR, l'agence onusienne chargée des réfugiés.
«Nous avons maintenant devant nous la tâche critique de reconstruire ce qui a été détruit, de réparer ce qui a été endommagé, de faire revenir ceux qui ont fui, avec comme principale priorité le retour à la normale pour le peuple de la région du Tigré», a également déclaré Abiy Ahmed.
Les tensions entre Abiy Ahmed et le TPLF, qui a dominé pendant près de trois décennies l'appareil politique et sécuritaire de l'Ethiopie, n'ont cessé de croître depuis l'arrivée au pouvoir du Premier ministre en 2018. Elles ont culminé en septembre avec l'organisation au Tigré d'un scrutin régional qualifié «d'illégitime» par Addis Abeba, puis avec l'attaque début novembre de deux bases de l'armée fédérale attribuée aux forces du TPLF, ce que ce dernier a démenti.